« Dans un marché mature comme la France, où l’évolution du chiffre d’affaires est proche de zéro, on ne peut pas imaginer que le social sorte gagnant », témoigne Olivier Dauvers, expert de la grande distribution.
D’autant que la présence humaine au service du client tend à décroître. « La tendance au libre-service va se poursuivre. Hier, le client a commencé à se servir tout seul, aujourd’hui, il commence à se passer des caissières. Il s’en passe bien sur Amazon, et c’est lui qui décide des évolutions. »
Les consommateurs cherchent la simplicité, la proximité et la rapidité.
Quant au retour des bouchers, poissonniers et fromagers dans les hypers pour recréer un lien social avec les clients, « cela ne concerne que certains rayons et reste marginal », assure le spécialiste.
Comment cela se passe-t-il chez les concurrents, alors que la guerre des prix profite à Leclerc, numéro 1 en parts de marché? « Ils sont plutôt en recrutement, mais moins qu’avant », selon Olivier Dauvers. Les autres enseignes souffrent. « On sort de deux écrêtages sociaux », témoigne un délégué syndical central d’Auchan. « En 2014, 1 200 postes de cadres ont été supprimés dans les hypermarchés, en 2017, 1 000 autres postes ont été supprimés sur l’ensemble du retail. Ils sont obsédés par les frais de personnel. Comme ça continue à ramer en terme de chiffre d’affaires, nous envisageons d’exercer un droit d’alerte économique » explique-t-il.
Selon l’Insee, 2,2 millions de personnes travaillaient dans le commerce de détail fin 2013, dont 32% dans les grandes surfaces (soit quelque 700 000 personnes). « La grande distribution ne sera plus un pourvoyeur d’emploi aussi important qu’elle l’a été jusqu’à présent, ce qui va réduire l’offre d’emplois non qualifiés », prévient Olivier Dauvers.
Bruno Le Maire a l’intention de réunir tous les distributeurs pour parler de leur avenir. Nul doute que la question sera au programme. D’autant qu’ils ont largement profité du CICE, qui était censé préserver les emplois.
La grande distribution en pleine révolution (source Ouest France)
Recul des hypermarchés, développement du e-commerce, explosion des drives, des magasins de proximité, arrivée de Costco… Les enseignes traditionnelles sont contraintes de se réinventer.
La fin de l’ultra-domination des hypermarchés… Internet change la donne et les besoins des consommateurs, plus exigeants, évoluent. « On entre dans une nouvelle ère de consommation, où cohabitent divers circuits et formats de magasins », explique Alexandre Bres, expert au cabinet de conseil Accenture.
Le modèle classique fragilisé
Supermarchés, hypermarchés, hard-discount… « Longtemps ultra-puissantes, voire omnipotentes, jamais les enseignes classiques de la grande distribution n’ont été à ce point fragilisées », constate Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution. Les hypers sont particulièrement touchés. Ces gros magasins de plus de 2 500 m2, parfois jusqu’à 20 000 m2, restent les champions de la grande distribution. Ils accaparent « encore 50 % des parts de marché », affirme Alexandre Bres.
Mais ils s’essoufflent, particulièrement les parties non alimentaires (culture, vêtement, etc.), qui subissent de plein fouet la concurrence de sites Internet spécialisés.
Développement de la cave à vin, de la zone « marché », de la parfumerie… Chacun cherche sa voie. D’autres font le choix de réduire leur surface de vente, explique Olivier Dauvers. Casino, par exemple, a réduit celle de ses hypers de 2 %.
La révolution du e-commerce
L’arrivée d’Internet et de « pure players », comme l’ogre américain Amazon ou le chinois Alibaba, ont bouleversé la donne et hystérisé la concurrence en faisant naître une foultitude de nouveaux services. Fin septembre, la rumeur prêtait même à Amazon l’intention de racheter Carrefour. Rien de concret, mais cela avait suffit à doper les titres Casino et Carrefour.
Les enseignes traditionnelles ont été contraintes de se transformer. « Aucune enseigne, aujourd’hui, ne peut faire l’économie d’une offre sur le Web », dit Olivier Dauvers. C’est bien intégré. Le nombre de drive est passé d’une centaine, en 2010, à plus de 4 000 aujourd’hui. « Amazon a le leadership sur l’offre non alimentaire. Mais le leader français de l’alimentaire sur le Web, c’est Leclerc, devant Auchan. »
La vente en ligne ainsi que la livraison à domicile deviennent des services incontournables. Amazon avance à grands pas. Il fait trembler ses concurrents avec ses livraisons en un jour, voire en une heure à Paris, ou avec sa livraison de produits frais Amazon Fresh, lancée à Londres, Tokyo ou Berlin. Il place la barre haut. Cela impose aux distributeurs d’implanter des entrepôts dans de nouveaux lieux stratégiques, pour pouvoir livrer au plus vite.
Les nouveaux arrivants
Des supermarchés de produits locaux, des réseaux comme La Ruche qui dit oui, des magasins bio… Et le géant Costco qui débarque. Le secteur de la distribution voit arriver des offres alternatives, qui correspondent aux envies d’un consommateur en mutation, qui a « accès à tout, partout, tout le temps » et qui mixe de plus en plus achats physiques et en ligne. Il butine davantage, fait un bout de courses ici, un autre là. « Sa consommation est plus fractionnée », analyse Alexandre Bres.
En ville, les magasins de proximité pullulent : ils sont une aubaine pour les courses « de dépannage ». Mais à force de mailler le territoire, les distributeurs l’ont « saturé », constate le spécialiste.